Salut Gerald,
Il y a ceux qui ont compté, sincèrement, mais qu’on a oublié, sans vraiment le savoir, sans
vraiment le vouloir, sans s’en rendre compte.
Et il y a ceux qui ont compté et qui jamais ne seront oubliés, on le sait, même après qu’ils aient disparu de notre quotidien.
Ceux là ne seront jamais oubliés parce qu’ils ont contribué à faire de nous ce
que nous sommes devenus, parce qu’ils ont participé à notre construction, personnelle, professionnelle, parfois tôt dans
notre existence, parfois plus tard.
Toi, Gérald, tu fais viscéralement partie de ceux-là, de ces constructeurs qui montrent des chemins.
Des chemins parfois embrumés et cachés dans l’obscurité des 25 ans de nuits profondes passées à soigner nos patients communs.
Des chemins cachés dans nos engueulades autour des ces mêmes patients.
Des chemins ouverts, aussi, par nos discussions dans les couloirs, au self, au bloc, en Réa, à refaire le monde hospitalier mais pas que…
Ces discussions des matinées de we où tu passais dans le service pour tes malades et un café. Je les aimais bien ces discussions là.
Des discussions qu’on aurait pu avoir en dînant entre potes ou en buvant un coup. Malheureusement, on était pas vraiment des potes mais après 25 ans à bosser, parler, veiller ensemble, j’ai l’impression d’avoir aussi perdu un pote.
Maintenant est venu le temps de l’absence soudaine, définitive, brutale, irréelle, incompréhensible, après des années
de chemin ensemble, à soigner ensemble, avec de plus en plus de complicité. Car plus le temps passe à faire ce travail ensemble plus le professionnel s’efface pour laisser place à autre chose.
La dernière fois que l’on s’est vu c’était lundi dernier, le 20 octobre, au self. Nous avons parlé de notre hôpital, de ce qu’il devenait. On en parlait souvent ces derniers temps. Puis on s’est dit « salut » car tu avais une réunion à 14h. J’ai entendu ta voix une dernière fois, vu ta moustache une dernière et j’ai eu la chance d’entendre une dernière fois ton petit rire espiègle après que je t’ai sorti une dernière connerie. Si j’avais su…
Alors voilà, je te l’ai dit aujourd’hui mon cher Gérald, mon vieux plus que collègue, l’importance que tu as eu pour beaucoup d’entre nous, pour moi en tout cas.
Je te dis aujourd’hui ma tristesse en regardant le trou béant que ta disparition laisse dans
nos histoire.
Je te dis aujourd’hui à quel point je redoute le manque abyssal que ta disparition va laisser et qui n’est pas prêt d’être comblé.
Je te dis aussi aujourd’hui à quel point je pense à Catherine, à tes enfants, à tous tes proches. Je pense au mari, au père, a l’ami qu’ils ont perdu trop tôt.
Plus jamais je n’irai bosser comme j’y suis allé depuis 25 ans. Après Michel (Pinsard), tu es la deuxième moustache incontournable qui part.
Ce ne sera plus jamais pareil
Salut Gérald, notre trip en bécane attendra…
Boubou.